vendredi 16 septembre 2016

"Histoire de La Mecque : De la naissance d’Abraham au XXIe siècle " (éditions Payot et Rivages, Paris)

Le Califat omeyyade (661-750) a établi sa capitale à Damas, le Califat abbasside (749-1258), lui, a choisi Baghdad, avant que le centre de gravité ne se déplace vers Istanbul à l’ère de l’Empire ottoman (1299-1922). D’autres villes majeures de la civilisation musulmane comme Samarcande, Le Caire, Fès, Cordoue ou Tombouctou ont, elles, connu grandeur et décadence.
 Les Saoudiens  ont effacé l’histoire de La Mecque, rasé la cité...
Imaginez que le pape remplace la fresque de la chapelle Sixtine par une pub géante Gucci. Eh bien, si vous allez à La Mecque aujourd’hui, à part la Qaâba, vous verrez une copie de la ville américaine de Houston. D’ailleurs, les habitants appellent leur ville «Saoudi-Las Vegas». N’y cherchez pas les traces de la naissance de l’islam, de son développement, les plus anciennes mosquées, les vieilles habitations… Elles n’existent tout simplement plus. Tout a été offert aux bulldozers, tout a été détruit. Même le Haram, la mosquée sacrée, a été défigurée par des travaux d’élargissement qui ont englouti l’histoire. Le passé des Omeyyades, des Abbassides, des Ottomans a été rasé pour laisser la place à des tonnes de béton armé.
Rien n’a été déplacé pour être préservé  ,
  La maison de Khadidja, la femme du Prophète, a été rasée. Les demeures de la famille du Prophète et de ses premiers fidèles ont également été rasées. Même les collines ont été creusées pour ériger des tours en béton. Le plus fou, c’est que le Coran décrit la ville de La Mecque comme la cité des vallons. Mais aujourd’hui, cette description ne correspond pas à la réalité. Il n’y a plus aucune colline, les bulldozers ont tout aplati.
  Selon les Saoudiens, c’est pour éviter de tomber dans l’adoration du Prophète et de ses proches qu’ils interdisent toute image ou objet du passé…
 Les musulmans savent très bien faire la différence entre le respect du patrimoine et de la culture, d’une part, et l’adoration de Dieu de l’autre. Ils prient pour leur dieu, pas pour autre chose. Les Saoudiens se moquent des musulmans. Pourquoi effacer les traces du Prophète alors que les portraits à l’effigie du roi et des princes sont partout ? Ça, c’est un culte de la personnalité digne d’inquiétude. Les princes construisent des palaces extravagants, d’un kitsch ahurissant, alors que la maison d’Aïcha, l’épouse favorite de Mohamed, a longtemps servi de toilettes publiques !
Est-ce exagérer de comparer  La Mecque à un supermarché géant ?
Pas du tout ! La nouvelle religion des Saoudiens, c’est le shopping, et leurs nouvelles idoles, les marques de luxe. De Louis Vuitton à Rolex, tout est à vendre et à n’importe quelle heure. La ville s’est embourgeoisée, c’est une ville de riches, parfois plus chère que Londres ou New York. Le pèlerinage est une poule aux œufs d’or. Savez-vous qu’il coûte entre 5500 et 9000 euros par personne ? Avec la chute des prix du pétrole, les autorités comptent beaucoup sur son développement, comme une machine à fric qui pourra sauver le royaume de la banqueroute.
la Makkah Clock Royal Tower…
Une horreur ? Cette tour (de 601 mètres de haut, elle est la quatrième plus haute au monde. Elle fait partie d’un titanesque projet de construction de gratte-ciel incluant des centres commerciaux de luxe et des palaces, ndlr) fait paraître la Qaâba minuscule à ses côtés et se dresse bien au-dessus de la Mosquée sacrée. Mais il y a aussi le Raffles Makkah Palace ou encore le Makkah Hilton, érigé à l’endroit où se tenait la maison d’Abu Bakr, premier calife et plus proche compagnon du Prophète.
D’ici dix ans, une muraille de 130 gratte-ciel viendra toiser la Mosquée sacrée. Peu de musulmans semblent disposés à s’insurger envers cette politique du bulldozer.
 Ziauddin Sardar
Né au Pakistan en 1951, Ziauddin Sardar est l’un des intellectuels et libres penseurs musulmans les plus connus au monde.Avec  son livre : "Histoire de La Mecque  : De la naissance d’Abraham au XXIe siècle " (éditions Payot et Rivages, Paris), il publie un ouvrage éblouissant et visionnaire, à la fois bourré d’humour et d’anecdotes sur l’histoire de la ville la plus sainte de l’islam. Et démontre en filigrane l’influence, qu’il juge très sévèrement, de l’Arabie Saoudite.

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