Le Califat omeyyade (661-750) a établi sa capitale à Damas, le Califat
abbasside (749-1258), lui, a choisi Baghdad, avant que le centre de
gravité ne se déplace vers Istanbul à l’ère de l’Empire ottoman
(1299-1922). D’autres villes majeures de la civilisation musulmane comme
Samarcande, Le Caire, Fès, Cordoue ou Tombouctou ont, elles, connu
grandeur et décadence.
Les Saoudiens ont effacé l’histoire de La Mecque, rasé la cité...
Imaginez que le pape remplace la fresque de la chapelle Sixtine par une
pub géante Gucci. Eh bien, si vous allez à La Mecque aujourd’hui, à
part la Qaâba, vous verrez une copie de la ville américaine de Houston.
D’ailleurs, les habitants appellent leur ville «Saoudi-Las Vegas». N’y
cherchez pas les traces de la naissance de l’islam, de son
développement, les plus anciennes mosquées, les vieilles habitations…
Elles n’existent tout simplement plus. Tout a été offert aux bulldozers,
tout a été détruit. Même le Haram, la mosquée sacrée, a été défigurée
par des travaux d’élargissement qui ont englouti l’histoire. Le passé
des Omeyyades, des Abbassides, des Ottomans a été rasé pour laisser la
place à des tonnes de béton armé.
Rien n’a été déplacé pour être préservé ,
La maison de Khadidja, la femme du Prophète, a
été rasée. Les demeures de la famille du Prophète et de ses premiers
fidèles ont également été rasées. Même les collines ont été creusées
pour ériger des tours en béton. Le plus fou, c’est que le Coran décrit
la ville de La Mecque comme la cité des vallons. Mais aujourd’hui, cette
description ne correspond pas à la réalité. Il n’y a plus aucune
colline, les bulldozers ont tout aplati.
Selon les Saoudiens, c’est pour éviter de tomber dans
l’adoration du Prophète et de ses proches qu’ils interdisent toute image
ou objet du passé…
Les musulmans savent très bien faire la différence entre le respect du
patrimoine et de la culture, d’une part, et l’adoration de Dieu de
l’autre. Ils prient pour leur dieu, pas pour autre chose. Les Saoudiens
se moquent des musulmans. Pourquoi effacer les traces du Prophète alors
que les portraits à l’effigie du roi et des princes sont partout ? Ça,
c’est un culte de la personnalité digne d’inquiétude. Les princes
construisent des palaces extravagants, d’un kitsch ahurissant, alors que
la maison d’Aïcha, l’épouse favorite de Mohamed, a longtemps servi de
toilettes publiques !
Est-ce exagérer de comparer La Mecque à un supermarché géant ?
Pas du tout ! La nouvelle religion des Saoudiens, c’est le shopping, et
leurs nouvelles idoles, les marques de luxe. De Louis Vuitton à Rolex,
tout est à vendre et à n’importe quelle heure. La ville s’est
embourgeoisée, c’est une ville de riches, parfois plus chère que Londres
ou New York. Le pèlerinage est une poule aux œufs d’or. Savez-vous
qu’il coûte entre 5500 et 9000 euros par personne ? Avec la chute des
prix du pétrole, les autorités comptent beaucoup sur son développement,
comme une machine à fric qui pourra sauver le royaume de la banqueroute.
la Makkah Clock Royal Tower…
Une horreur ? Cette tour (de 601 mètres de haut, elle est la
quatrième plus haute au monde. Elle fait partie d’un titanesque projet
de construction de gratte-ciel incluant des centres commerciaux de luxe
et des palaces, ndlr) fait paraître la Qaâba minuscule à ses côtés et se
dresse bien au-dessus de la Mosquée sacrée. Mais il y a aussi le
Raffles Makkah Palace ou encore le Makkah Hilton, érigé à l’endroit où
se tenait la maison d’Abu Bakr, premier calife et plus proche compagnon
du Prophète.
D’ici dix ans, une muraille de 130 gratte-ciel viendra toiser la
Mosquée sacrée. Peu de musulmans semblent
disposés à s’insurger envers cette politique du bulldozer.
Ziauddin Sardar
Né au Pakistan en 1951, Ziauddin Sardar est l’un des intellectuels et libres penseurs musulmans les plus connus au monde.Avec son livre : "Histoire de La Mecque : De la naissance d’Abraham au XXIe siècle "
(éditions Payot et Rivages, Paris), il publie un ouvrage éblouissant et
visionnaire, à la fois bourré d’humour et d’anecdotes sur l’histoire de
la ville la plus sainte de l’islam. Et démontre en filigrane
l’influence, qu’il juge très sévèrement, de l’Arabie Saoudite.
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